Laurent Salvador Lamothe peut-il survivre à Michel Joseph Martelly?

Plus coriace qu'il ne le paraît, le Premier ministre Lamothe, monnaie d'échange sonnante et trébuchante dans le cadre des futures (improbables?) négociations  de sortie de crise, est un survivant, un éternel rescapé par rapport à ce systeme politique instable et incertain qui fait essentiellement de l'occupant de ce poste un fusible. Après trois remaniements les uns plus impromptus que les autres, son autorité de chef de gouvernement s'est trouvée de plus en plus freinée, édulcorée par la présidence et le

Parlement.

Dans ce pouvoir traversé de courants hostiles et sans états d'âme, il arrive, par son sens des luttes de pouvoir et la complicité du président Martelly, à survivre, même s'il assiste aujourd'hui à la montée vertigineuse d'une agitation de rue qui commence à menacer ses ambitions les plus précieuses. Avec toute la gentillesse d'un publicitaire, son pragmatisme tranche avec l'impulsivité du chef de l'Etat. Leur entente étonnante, solide est basée sur des intérêts communs, malgré leur ego inextinguible. Ce sont deux tempéraments très différents. Deux styles et deux visions du pouvoir à l'opposé l'un de l'autre.

Très accro aux TIC, aux médias sociaux, Laurent Lamothe,  ancien patron et partenaire de Sweet Micky, ne fait pas mystère de son obsession pour les médias et de sa foi en la propagande. Pour vendre les belles initiatives et les succès de son gouvernement, doté d'un prodigieux carnet d'adresses et d'un impressionnant réseau de parlementaires, il ne lésine pas sur les moyens. Mais, selon toute évidence, la bataille de la communication, l'opposition "plurielle"semble l'avoir remportée de plein fouet!

Le "deal" Martelly-Lamothe peut se résumer ainsi: la gestion politique, c'est le domaine réservé de Martelly, l'administration des affaires de l'Etat -- en matière économique et financière--, c'est l'affaire de Lamothe, pour qui la politique a un prix. Et pour imposer ses vues et pour écarter du cercle du pouvoir ceux et celles qu'il juge gênants ou hostiles, il ne fait pas de cadeau!

Dans cette conjoncture tumultueuse, menaçante pour le duo Martelly-Lamothe, tout est possible: le pire comme un nouveau souffle. La partie va se jouer inévitablement, quoi qu'on dise, entre ces deux associés-copains et les partisans d'une solution pacifique à cette crise effrayante, aussi effrayante que celle qui a emporté le président populaire Aristide en 2004! Car cette crise est, pour les plus optimistes, susceptible de transformer en possibilités les chimères de tous les "premiers ministrables" présumés ou insoupçonnables.

Pierre Raymond Dumas

Source: Le Nouvelliste