
L’ONU, après la CARICOM, tape du poing sur la table.
L’organisation mondiale vient de demander à la République dominicaine «
de restaurer rapidement la nationalité » de plus de 200 000 Dominicains
d’ascendance haïtienne rendus apatrides par l’arrêt 163-13 du tribunal
constitutionnel. Cité ce jeudi par AP, le Haut-Commissariat de l’ONU
pour les réfugiés a indiqué que les standards de la loi internationale
exigent des autorités dominicaines « la restauration automatique de la
nationalité des personnes affectées par la décision » du tribunal
constitutionnel.
« Les personnes affectées doivent avoir un
accès facile pour obtenir des documents d’identité », a insisté le
Haut-Commissariat. La République dominicaine, d’après AP, a présenté
samedi dernier un plan d’exécution de la décision de la Cour
constitutionnelle. Ce plan donne 18 mois à partir de juin 2014 aux
personnes concernées de réclamer la citoyenneté dominicaine. Des ONG de
défense des droits de la personne estiment que quelque 200 000
Dominicains d’origine haïtienne seront concernées. Contrairement au
gouvernement dominicain qui maintient le nombre de 24 000 personnes.
Sur le front diplomatique, le chancelier haïtien savoure.
«
C’est une bonne nouvelle qu’un organisme aussi prestigieux que le
Haut-Commissariat de Nations unies pour les réfugiés fasse entendre sa
voix en demandant aux amis dominicains de retrouver la voie du droit », a
confié au journal Pierre Richard Casimir, ajoutant que la position de
cet organisme de l’ONU « correspond à la position haïtienne qui a
toujours critiqué la décision de l’Etat dominicain de ravir des droits
acquis à des milliers de citoyens dominicains d’origine haïtienne ». «
On invite les amis dominicains à reprendre le chemin de la raison. Ce
qui va contribuer à rétablir la paix et diminuer la tension qui empêche
les deux pays de travailler ensemble sur des projets d’importance », a
appelé le chancelier haïtien.
« La position du Haut-Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés répond aux préoccupations exprimées
à l’origine face au double constat de l’implication gouvernementale
dans la défense de cette regrettable décision judiciaire et de la
radicalisation des alliés politiques du pouvoir dominicain qui
soutiennent la Cour constitutionnelle », a analysé Edwin Paraison de la
Fondation Zile. Ce militant des droits de l’homme, ex-ministre des
Haïtiens vivant à l’étranger, a aussi rappelé que « diverses agences de
l’ ONU, au lendemain même de l’ arrêt du 23 septembre 2013, avaient
souligné le caractère rétroactif et irrespectueux des droits acquis de
milliers de personnes d’ origine étrangère dont la majorité est
constituée de Dominicains descendants d’Haïtiens ».
Edwin
Paraison, l’une des figures les plus respectées par la diaspora
haïtienne en République dominicaine puise sa force dans la condamnation
de cet arrêt par des institutions internationales mais aussi par des
Dominicains vivant tant sur le territoire dominicain qu’à l’étranger qui
sont à l’origine de la campagne « No se hace » « Cela ne se fait pas ».
Des Dominicains vivant aux USA, face à la caméra, se sont exprimés, a
expliqué Edwin Paraison.
« La majorité des Dominicains vivant à
l’étranger se mettent dans la peau de leurs compatriotes
dominico-haïtiens afin de sensibiliser les autorités de leur pays
d’origine et les secteurs xénophobes qui appuient la Cour
constitutionnelle. Ils assument que cette abjecte décision judiciaire
est un mauvais précédent pour tous les migrants dans le monde », a
indiqué Edwin Paraison.
L’ex-président de la République
dominicaine, Hipolito Mejia, avait confié sa « tristesse » face à la
décision « honteuse » du tribunal constitutionnel qui a mis à mal
l’image et la réputation du pays à l’étranger.
Cette semaine,
avant la prise de position du Haut commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés, une douzaine de congresmen américains, dans une lettre
envoyée le 29 octobre au président Danilo Medina, a qualifié de «
arbitraire » et « discriminatoire », l’arrêt du tribunal
constitutionnel.
« Si votre gouvernement applique la décision du
Tribunal constitutionnel cela provoquerait une crise humanitaire sans
précédent et une sérieuse menace à la stabilité de la région », ont-ils
prévenu. Ces congressmen ont également « pressé » le président Danilo
Medina à prendre les mesures nécessaires pour « stopper » cette campagne
de dénationalisation. « Nous appelons, ont-ils insisté, à la protection
de ces milliers de Dominicains qui risquent de perdre leur nationalité
».
Depuis plus d’une génération, la communauté internationale
s’est mise d’accord qu’il s’agit de la responsabilité des gouvernements
d’éviter que des citoyens et des citoyennes ne deviennent des apatrides,
ont indiqué ces responsables américains. Le droit à la nationalité est
le fondement des autres droits humains. Sans la nationalité, on n’a pas
accès aux soins de santé, à l’éducation, à un emploi et à l’exercice de
certains droits politiques, ont rappelé ces congressmen qui
reconnaissent le droit à un pays souverain d’avoir ses lois sur la
naturalisation. Ces lois domestiques doivent être conformes aux
conventions internationales contre la discrimination, selon ces
congressmen dont la lettre, rendue publique après plus d’un mois, est
susceptible de faire monter la pression sur les voisins dominicains.
L’étau
se resserre avec des prises de position en cascade contre la République
dominicaine. Ce samedi, la délégation de la CIDH mettra un terme à sa
mission. En une journée de travail, elle avait reçu plus de 2 000
plaintes.
Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste
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